Yvette Frontenac
1925-1998
écrivaine et poète de la terre lotoise
Biographie d'Yvette Frontenac
Augusta et Gabriel Pélissié
Odette, Augusta, Suzanne et Gabriel Delbos en 1916
1) L'enfance et la jeunesse
17 janvier 1925 : Yvette Pélissié, premier enfant du jeune couple Augusta Delbos et Gabriel Pélissié, ouvre les yeux sur le village de Frontenac, dans la maison de sa grand-mère maternelle, Dorothée (grande maison à droite de l'église).
Dorothée, (voir le roman "Eléonore"), qui s'est retrouvée veuve d'Aurélien Delbos fin 1914 avec 4 enfants à élever, trouve sa maison bien grande après le départ de Suzanne, Gabriel et Odette qui ont construit leur vie loin du Lot, et garde sa fille aînée Augusta près d'elle.
Son second compagnon, Gaston Delpon, ancien instituteur à la retraite et secrétaire de mairie, va léguer à Dorothée tous ses biens, dont ses livres, qui tombent très tôt entre les mains d' Yvette. Ses parents exploitent les terres de Dorothée, ce qui ne tarde pas à créer des problèmes relationnels entre mère et fille .
Jacqueline, née en juin 1927, deuxième enfant du couple, est une fillette docile, tandis qu'Yvette a un caractère rebelle, ce qui lui amène souvent des remontrances qu'elle a de plus en plus de mal à supporter en grandissant.
Toutes deux font l'apprentissage des merveilles de la ferme : cochons, poules et lapins font partie de leur univers. Le travail est dur pour les jeunes parents, les enfants doivent vite apprendre à se débrouiller seules. La grand-mère veille aux bonnes manières des fillettes qui la craignent et l'admirent.
Point de douceurs spéciales pour ces petites paysannes; seuls les jours de fête appellent une table fine, avec le dessert traditionnel fait de crème et de massepain, de fouace ou de pompe. Noël n'amène pas de présent. Yvette se souviendra toujours de sa première orange, d'un fondant gardé au fond d'une poche toute une journée.
Leurs jeunes tantes, Suzanne et Odette, viennent régulièrement en vacances dans la grande maison avec leurs époux et leurs fillettes, et les cousines se retrouvent avec plaisir.
La maison natale
Yvette, son chapeau et son chat, sa soeur, sa mémé, sa mère entre ses tantes.
Papa Gabriel ci-dessous
Yvette est la 4e en partant de la droite, rang du haut
Jacqueline est la 3e à partir de la droite, devant
Yvette se révèle très tôt une élève douée en français, réfractaire aux mathématiques, au grand désespoir de son institutrice.
Bientôt, sa place d'aînée l'oblige à assister souvent son père aux travaux des champs, tandis que sa soeur aide leur mère dès la naissance d' Yves en 1934. Elle devient plus proche de son père, qui lui fait apprécier les subtiles transformations de la nature au fil des saisons.
En 1936 naît Lucette, quatrième enfant du couple , mais la mésentente s'aggrave avec la grand-mère jusqu'à la rupture, provoquant le départ de la famille pour une métairie à Espeyroux, en Ségala, où la famille restera 3 années.
Ce sont "les Années châtaignes", trois années marquantes, retracées dans le premier roman d' Yvette, édité en 1991 : Yvette et Jacqueline découvrent la châtaigneraie et son climat plus rude, ses forêts sombres, ses habitants aux moeurs traditionnelles, dans cette région où règne la châtaigne, nourriture des bêtes et des gens.
Yvette, des années plus tard, va raconter ces années-là à ses enfants : son étonnement de fillette devant le petit déjeuner des familles voisines, fait de châtaignes grillées par le maître de maison, dès que le feu donne bien, ou châtaignes cuites sous la cendre, dans l'âtre, ou simplement bouillies, puis versées à même la table, trempées ensuite dans le bol de lait fumant, emportées dans les poches de la blouse d'écolier, puis tétées à la récréation. Yvette se souvient du patois occitan, seule langue parlée agilement par ses camarades, obligeant le maître, Monsieur Bouzou, à passer la première année d'école à l'apprentissage du français. Rien de tel dans sa vallée du Lot où le patois est l'apanage des adultes . Elles souffrent de leur différence, les petites métayères, car leurs camarades sont toutes filles de propriétaires terriens.
La Chardonnie à Espeyroux
Mémé Dorothée et Yves à Frontenac
La famille respire, loin des tensions d'autrefois, mais les parents se querellent souvent face aux difficultés permanentes, car les terres se révèlent beaucoup moins fertiles que celles de la vallée du Lot. Mémé Dorothée, qui s'ennuie désormais seule, propose de reprendre le petit Yves auprès d'elle pour soulager le quotidien familial difficile.
Leur petite soeur Marguerite naît début 1939, obligeant les aînées à s'assumer, à participer aux travaux ménagers: le rinçage du linge dans le ruisseau coincé entre deux prés en pente est sans doute le souvenir le plus pénible. Cette naissance apportera la réconciliation définitive et le retour à Frontenac.
Mais ces trois années sont aussi propices à l'éveil de la jeune fille qui pense à sa beauté et admire son amie parisienne, les belles dames de la ville si bien coiffées, si jolies , si raffinées, presque irréelles et qui vont voir les derniers films à la mode ...
Yvette rêve d'un monde différent, où les corvées seraient absentes, où la sérénité serait à la base des rapports familiaux; elle rêve d'un ailleurs, et les livres heureusement sont là pour qu'elle s'échappe, pour qu'elle s'échafaude un avenir meilleur.
Malgré son désir d'aller à l'École Normale, encouragée par son instituteur après son brillant succès au Certificat d'Etudes, elle doit renoncer pour aider son père qui a besoin de sa fille aînée aux champs. Cette frustration fera d'elle une autodidacte passionnée et grande lectrice du dictionnaire.
La famille réintègre le village de Frontenac en novembre 1939 et loue une métairie appelée Le Barry, qu'un grand pré en pente sépare de la vaste demeure de Dorothée. Comme la maison est petite, Yvette retourne avec joie dormir toutes les nuits chez sa grand-mère. Elle a 14 ans, bientôt 15. Elle retrouve la garde du troupeau, toujours un livre sous le bras.
Elle écrit son premier poème, "La Légende de Frontenac",(voir page "Poèmes") dans le cadre de la société post-scolaire créée par l'institutrice dévouée pour animer les jeudis de la jeunesse. Au programme, danse, théâtre, poésie, chansons, balades à vélo, cinéma à Figeac, et spectacles annuels donnés au profit des blessés de guerre.
Yvette écrit de longues lettres à ses deux tantes, Suzie et Odette, à ses amies d'Espeyroux. Elle restera toute sa vie en contact avec l'une d'elles, Louise.
Bien sûr, ce retour au pays se vit en parallèle à la guerre qui secoue le pays et amène son lot de refugiés au village de Frontenac.
En 1942, une famille figeacoise, celle d'Alphonse Durand, artisan peintre fraîchement retraité, vient s'installer près de l'église. Peu à peu, la maman, Argile, se prend d'amitié pour la turbulente jeune fille et lui offre les affaires d'Eliette, leur fille tant pleurée, morte à 17 ans de la tuberculose en 1940. Le couple a trois garçons: Edmond, dit Momon, déjà engagé pour 3 ans dans la Marine, Roger, dit Jeanot, et le petit Louis, dit Loulou.
Le Barry (peint par Eliane)
La fratrie Durand en 1937
La maison Durand en 1941
peinte ci-dessous par Loulou.
Yvette entend parler du fils aîné, Edmond, qui n'apparaît qu'aux permissions car il effectue son service militaire à Toulon comme radiotélégraphiste sur un navire de guerre sillonnant la Méditerranée et basé à Toulon. Yvette a 17 ans, lui, 22, et elle est attirée tout de suite par ce beau jeune homme si différent des jeunes gens du pays. Il a connu les ports, la mer, des lieux inconnus où les paysans ne vont jamais.
Bien sûr, tout cela se vit en parallèle à la tragédie vécue par tout le pays. La guerre n'épargne pas la vallée du Lot où le choc des événements se double de la rencontre avec les réfugiés qu'il faut loger dans chaque bâtisse du village et avec lesquels il faut cohabiter. Cette période est retracée dans le livre les Années Chantepleure, d'abord intitulé la Chantepleure (paru en 1992) et suite des Années châtaignes..
Yvette renoue avec ses anciens camarades d'école. Grâce au dynamisme d'une nouvelle institutrice, Madame Laborie, elle participe chaque semaine à "Bouquet champêtre", une société post-scolaire où les anciennes élèves viennent passer leurs jeudis et dimanches. Dissertations françaises, chant les jeudis, sorties cinéma à Figeac, répétitions des futurs spectacles organisés au profit des prisonniers de guerre, les dimanches, tels sont les programmes récréatifs imaginés par cette éducatrice qui compte bien impliquer le village dans son entier : les enfants des écoles, d'abord, qui fabriquent les programmes, les accessoires pour les ballets et pièces de théâtre, les agriculteurs aussi, qui prêtent à tour de rôle leur grange faisant office de salle de spectacle. Dès la première séance, en 1941, 300 spectateurs venus du village et des communes voisines se précipitent pour assister à cette production festive et collective.
Les garçons de l'âge d' Yvette sont sollicités pour danser "le quadrille des lanciers". Yvette jubile, découvre le théâtre, où sa forte personnalité se révèle au travers des rôles qu'elle interprète avec une présence rare. Edmond, revenu chez les siens en 1943, après le sabordage de la flotte de Toulon, peut s'occuper des éclairages, de la sonorisation et des bruitages, activité pour lui jubilatoire.
Yvette à droite
Le quadrille des lanciers- Yvette 2e danseuse à gauche, Jacqueline à droite
Fiancés en 1942, Yvette et Edmond se marient le 19 juin 1943; elle a dix-huit ans, lui, vingt-trois. Elle est rayonnante, son bouquet de lys dans les bras, devant le portail de la petite église.
Le jeune couple va tout d'abord rester à Frontenac alors que la guerre assombrit l'horizon. Edmond, craignant le travail obligatoire, devient agriculteur alors que les troupes du Reich sillonnent le sud de la France, harcelées par les maquisards. De plus, Gabriel, le père d' Yvette, souffre d'un ulcère douloureux ou plus probablement d'un cancer, et peut de moins en moins faire d'efforts. Pour un paysan, c'est la négation de sa vie. L'immobilité, la glace sur l'estomac, viennent parfois à bout de ses souffrances. La famille est déstabilisée, le travail doit être réorganisé : Marius, l'homme à tout faire, l'ouvrier agricole du village, (Valérien dans La Soupe des Autres), est de plus en plus demandé au Barri pour seconder Gabriel. Yvette, si proche de ce père encore si jeune, si gai, n'hésite pas à enfourcher son vélo pour aller chercher le précieux chloro-calcium à Figeac, mais les rémissions de Gabriel sont de plus en plus courtes.
1941, Yvette et son père, et son futur beau-père à sa droite.
Le jeune couple se résout à quitter la ferme pour Toulouse. En effet, Edmond, qui a une solide expérience du langage morse (arrivé 1er à l'examen de fin de formation à Paris), est sollicité par les Forces françaises de l'Intérieur (FFI), pour travailler au quartier général en tant que radio, recevant toutes les nuits les ordres de Londres. Les jeunes mariés vivent près de la Barrière de Paris, quartier nord de la ville tant chantée par Nougaro. Yvette aide ses cousins maraîchers au ramassage et à l'empaquetage des légumes. Le cinéma est leur principal loisir. Yvette va souvent voir son père dont l'état s'aggrave. A cause de ses soucis et ses nombreux déplacements, Yvette va perdre en 1945 le bébé qu'elle attendait, une petite fille.
Le 18 avril 1946, Gabriel s'éteint dans de grandes souffrances dans sa quarante-cinquième année, laissant une famille éplorée, une épouse de 40 ans et trois enfants encore jeunes à élever. Yvette adorait son père et ne se remettra jamais de cette mort précoce et dramatique, avouant plus tard à ses propres enfants qu'il ne se passait pas un seul jour sans qu'elle ne pense à lui.
Ce décès influence la décision de retour au village du couple, qui refuse la mutation d' Edmond à Biscarosse, car cela aurait signifié
leur séparation pour six mois. Ils regretteront plus tard d'avoir manqué cette chance d'évolution professionnelle pour Edmond mais ils étaient jeunes mariés. Ils reviennent s'installer à la ferme, car il faut des bras...
1945 dans les rues de Toulouse
Le papa inoubliable
3- La maman et les débuts de l'auteur
La guerre finie, Edmond peut réaliser son rêve: créer un atelier de réparation radio dans la petite bourgade de Cajarc qui offre l'avantage d'être au bord du Lot, à seulement 18 km de Frontenac. Aussi, de temps en temps, Yvette reçoit son frère et ses deux jeunes soeurs venus lui rendre visite à vélo.
Yvette peut enfin danser dans les bals qui renaissent partout. Edmond fait partie de l'orchestre comme violoniste et chanteur, et le couple devient ami avec Guy Mirabel qui sera élu maire de la ville plus tard. Mais cette insouciance dure peu car un nouveau bébé s'annonce. Yvette va aller accoucher de sa fille Eliane en août 1947 dans la vaste maison de mémé Dorothée.
Brigitte naît deux ans plus tard à Figeac en octobre 1949, au temps où le village a encore son visage de douleur pour Yvette. Nanti de ses deux fillettes, le couple revient à Frontenac pour aider le père d'Edmond, dont l'épouse Argile est malade et va mourir à seulement 58 ans après être restée alitée une semaine. Yvette va devoir tenir la maison. La voici à 25 ans face aux multiples corvées domestiques, au service d'un homme mûr et de ses trois fils, désemparés et incapables de se débrouiller tout seuls, comme la plupart des hommes d'alors.
Et bien sûr avec une fillette d'à peine 3 ans et un bébé de quelques mois.
Argile peu avant sa mort
Lorsque l'enfant paraît...puis le deuxième...
Seul un départ peut être salutaire pour le jeune couple et dès qu'un ami représentant leur parle d'un petit commerce dans le Loiret,
leur décision est prise: après 8 années de mariage sans véritable foyer, ils sont prêts à tourner une page et aller vivre en Sologne.
Yvette a 26 ans, de l'énergie et croit enfin à son bonheur. Mais elle va vivre ces 6 ans comme un exil, pendant lesquels sa plume va
s'éveiller pour chanter le lointain pays natal...
Tout d'abord, ce sera la vie à la Ferté-St-Aubin, petite ville de Sologne, avec le parler de la Loire, déjà un dépaysement, des voisins
dont les habitudes culinaires la surprennent , un univers à découvrir pour la famille lotoise. Yvette devient gérante d'un commerce de matériel électrique et de radio, au centre ville dans la rue principale, pendant qu'Edmond répare dans l'atelier du fond. Ils vivent dans l'appartement à l'arrière dont ils partagent la petite cour avec le boucher d'à côté. Mais Yvette n'a pas la fibre commerçante et préfère parfois fermer boutique - une boutique déjà en difficulté avec les précédents gérants- et aller promener ses deux chéries. Elles ont commencé leur scolarité à la maternelle proche de la maison. La vie à quatre serait douce si Yvette ne commençait à se languir de sa terre lotoise, de la vie aux champs et de ses racines affectives: ses soeurs encore si jeunes, ses amies d'enfance...enfin, tout ce qui faisait son oxygène et qui s'est maintenant raréfié.
Yvette s'ennuie. Elle fait pourtant preuve d'imagination. Le repas chez elle est toujours une fête car elle aime cuisiner pour les siens. Les dimanches pluvieux, elle distrait ses poupées avec des histoires du temps passé, dans les campagnes du Lot, celles que son père contait aux veillées, d'autres qu'elle avait entendues quand elle était une toute petite fille, celles qui lui avaient fait si peur. Elle raconte aussi les coutumes anciennes du village, les gens qu'elle fréquentait autrefois, ses jeux de petite campagnarde, la ferme, ses parents, la maison de grand-mère Dorothée près du ruisseau. Ou bien Yvette joue avec ses filles : ce sont des poursuites autour de la table et aussi des histoires extraordinaires qu'elle invente à loisir.
Le couple est devenu ami avec les voisins photographes et cela leur permet de bénéficier de jolies photos souvenirs.
Malgré un train de vie modeste, la famille prend quelques loisirs: promenades dans les chemins autour de la petite ville, visites des
châteaux de la région qui émerveillent Yvette, comme celui de Chambord, spectacle de cirque à Orléans... mais cela reste des sorties
rares. Le couple n'aura de voiture que dans les années 60, ils se contentent de deux vélos pour les courts trajets.
Las de tenir un magasin qui ne marche pas bien, le mari d'Yvette va se faire embaucher à l'usine d'armement de la ville, usine qui
possède, pour loger des ouvriers, un petit domaine de trois maisons en pleine forêt, à 3 km de La Ferté au lieu-dit la Chevrie.
Eliane et Brigitte sont ravies car deux familles sont déjà sur les lieux, avec chacune deux enfants de leur âge. Le jardin enchante Yvette qui va retrouver son savoir-faire de fille de la campagne et contribuer à la vie du ménage. Les filles vont à l'école avec le bus de ramassage scolaire.
En novembre 1954, la naissance de Didier se révèle un soleil dans la vie de femme d'Yvette car elle va vouer une passion à son fils, mais elle est suivie par une grave crise de rhumatismes qui durera de longs mois et compliquera la vie de la famille.
Le Lot et son climat lui manquent de plus en plus. Ses filles passent la journée à l'école, la laissant seule avec le bébé dans sa petite maison au milieu des bois. Elle fréquente un peu ses voisines mais solitaire, secrète, elle n'aime pas entrer chez les autres et préfère s'occuper de sa maison et son jardin, et s'adonner à son principal loisir: la lecture. Romans d'auteurs du 19e et du début du 20e, d'Hugo à Colette, et biographies ont ses préférences. Elle est également une grande lectrice de revues, parmi lesquelles Historia, qui restera longtemps sa source de culture favorite.
La voilà qui se jette à coeur perdu dans l'écriture de poèmes. Elle chante les chemins de son village, la petite source à flanc de colline, tous les lieux et les gens de sa jeunesse, et à travers cette évocation lancinante, transparaît surtout le souvenir du père qui appartient à ce passé, dont elle était si proche. Frontenac est sublimé, il emplit ses journées de solitude. Les poèmes affluent chaque jour mais sont pour elle source de larmes. Car la mélancolie et la nostalgie s'accrochent à Yvette... Elle a trouvé dans ce jardin secret un moyen d'épancher sa tristesse et son chagrin....
Pendant les 6 ans que dure le séjour solognot, c'est une joie de prendre l'express en famille pour rejoindre une fois l'an ce Lot mythifié.
Yvette retrouve la maison familiale du Barri mais son père n'est plus là pour l'attendre. Marius, le journalier agricole du village, aide aux travaux de la ferme car le remariage de maman Augusta avec son beau-frère n'a pas duré longtemps.
Ce mois vécu au milieu des siens, Lotois et vacanciers, est comme un rêve pour Yvette. Pourtant les plaisirs sont simples:
promenades avec son ami Suzou et leurs enfants, baignade quotidienne à la rivière, parfois une sortie en famille vers un site touristique... C'est la cueillette des légumes, tous ensemble, avant les bons repas paysans où le pain est si savoureux et n'a rien à voir avec les baguettes du Loiret... La cueillette des prunes reine-claude mûres à point, les confitures dans la foulée, que l'on emportera pour les savourer sur des tartines, les jours d'hiver à La Chevrie.
Bébé au Lot
Eté 1955- Baptême de Didier à Frontenac
* Février 1952- La mort de grand-mère Dorothée
Pendant les années passées en Sologne, il ne faut pas oublier d'évoquer le deuxième grand chagrin d' Yvette qui doit aller enterrer sa grand-mère chérie par une froide journée d'hiver qu'elle racontera en introduction du roman "Eléonore".
Terrassée à 70 ans par une crise d'urémie dans sa grande maison, elle laisse un grand vide dans le coeur de la petite fille qu'elle a en partie élevée, comme son petit-fils Yves. Pour ces raisons, ils étaient ses préférés et cette différence marquée trop fortement avec ses trois autres petites-filles leur laissera un goût d'amertume bien compréhensible. C'était une femme de caractère, un peu plus évoluée que le rude milieu paysan dont elle était issue, mais son autoritarisme pouvait faire souffrir ses proches.
La grande maison près du ruisseau restera séjour de vacances pour ses descendants jusqu'en 1968 où ils la vendront. Ce sera une blessure ineffaçable pour Yvette de ne pouvoir la racheter elle-même et de devoir dire adieu à la chère maison pleine de sa jeunesse heureuse.
Voici donc installées les bases de la personnalité d'Yvette: une mère possessive et chaleureuse, et une femme marquée à jamais par la mort d'un père bien-aimé, et plus tard, par la perte de la maison natale pleine de chers souvenirs. Malgré son mariage d'amour, elle en perdra une part de la gaieté insouciante de sa jeunesse.
Elle s'épanouit dans son rôle maternel ainsi que dans ses liens avec sa fratrie qu'elle aime recevoir autour de grandes tablées familiales où son talent de cuisinière et de mère nourricière fait merveille!
Plus tard elle chantera en chorale avec son époux et s'ouvrira à de nouveaux liens amicaux mais pour l'heure, elle mène une vie de mère de famille bien occupée par un quotidien astreignant, pas encore facilité par l'arrivée du confort, et son large cercle familial suffit à son bonheur.
Plutôt secrète, elle trouve dans l'écriture son véritable jardin intérieur. Son art d'écrivain, qui occupe la seconde place jusqu'à l'adolescence de son fils, se forge peu à peu à ce feu intérieur qui ne s'éteindra jamais, sa fidélité à son village dans le passé duquel elle puise son inspiration, et qui se concrétise par le pseudonyme qu'elle adopte.